Le plateau de l’Aubrac est une région préservée. Cet immense plateau volcanique propose une richesse et une variété de flore exceptionnelle. C’est un immense désert d’environ 3 000 km2, entrecoupé de drailles, ces chemins de passage. A près de 1 300 mètres d’altitude, la rudesse du plateau est parfaitement retranscrite dans le patrimoine bâti à travers notamment les burons, ces abris emblématiques de l’Aubrac.

Un buron, kézako ?!

Un buron est un abri de berger, qui se dit également mazuc en occitan. Cette cabane s’est fortifiée au fil du temps pour devenir une solide bâtisse de pierre recouverte de lauze pour la fabrication du fromage et pour y abriter les hommes. Des hommes qui communiquent en patois, en occitan, d’où les nombreux termes utilisés pour leurs outils, leur rang social et la fabrication des fourmes.

Un buron est un bâtiment en pierre, couvert de lauzes ou d’ardoises, que l’on trouve sur les « montagnes », pâturages en altitude que les éleveurs de la vallée ou du plateau possèdent et exploitent de façon saisonnière. C’est un habitat saisonnier.

André Méravilles

L'âme de l'Aubrac

Vous ne pourrez pas manquer les burons ! Ils font partie intégrante du décor de l’Aubrac et racontent son histoire.

Un bâti pensé pour le travail

Au XVIIIe siècle, les premiers burons ou masucs apparaissent et possèdent une fromagerie et une cave enterrée pour affiner les fromages. Ils sont implantés près des sources, car la fabrication du fromage nécessite de l’eau. À la fin du XIXe siècle, les burons sont de solides constructions en pierre, adossées à une butte pour que la cave soit enterrée et fraîche. Les murs sont très épais : en basalte ou en granite, ils font généralement entre 60 et 80 centimètres d’épaisseur et sont constitués essentiellement de trois pièces :

  • à l’étage, le dortoir, la pièce où dorment les buronniers et où le foin est engrangé,
  • au rez-de-chaussée, la pièce où est fabriquée la tome, caillé frais pressé qui permet de préparer le plat de consistance : l’aligot et qui donne la fourme,
  • la cave, dans laquelle s’affinent les fromages.

Il y a très peu d’ouvertures pour se préserver du froid et des chaleurs. La porte est la principale source de lumière afin de conserver la fraîcheur du lieu pour la préservation des fourmes.

André Méravilles
Buron Aubrac vaches

La vie au buron

L‘estive au buron est généralement assurée par quatre hommes, selon la taille des burons :

  • le roul, en général un adolescent servant d’homme à tout faire,
  • le bédelier, chargé de s’occuper des veaux (bedelóus), notamment de les amener à la mère pour amorcer la lactation,
  • le pastre, 1er berger chargé de garder et rassembler le troupeau pour la traite,
  • le cantalès, le patron du buron chargé de fabriquer la tome fraîche et le fromage qui en est issu.

Deux fois par jour, le matin très tôt et en fin d’après-midi, les buronniers assurent la traite des vaches. Assis sur un sélon, le lait est récolté à la main dans un farrat puis transporté au buron dans la gèrla. Le lait, emprésuré, est ensuite mis à « prendre » pendant une heure. Le caillé ainsi obtenu est découpé à l’aide d’une menòla ou encore tranche-caillé, puis séparé du petit-lait avec l’atraçador (plancha ajoutée à la menòla). Avec lo poset, le buronnier prélève le petit lait, le caillé s’étant mis au fond de la gèrla. Le caillé est ensuite pressé sous la catseuse ou cachaira (grande presse en bois) et devient la tome. Celle-ci est émiettée à l’aide de la fraiseuse, salée, puis transvasée dans un moule en bois ou en aluminium dans lequel elle est pressée à nouveau. La fourme ainsi obtenue est entreposée dans la cave du buron (à une température d’environ 10 °C) pour l’affinage qui dure de 45 jours à plusieurs mois (10 mois en général et 18 mois au maximum).

Un patrimoine qui s’endort

Dans les années 1945-1950, un millier de burons étaient encore en activité, dont 264 sur l’Aubrac, dans ce qui était encore des montagnes à fromage. Vers 1960, leur nombre chute à environ 60 (51 sur l’Aubrac en 1964) à cause de plusieurs facteurs : nouvelles normes d’hygiène en vigueur pour la fabrication des fourmes, développement de l’agriculture, exode rural. Les deux derniers burons de l’Aubrac (Camejane en Aveyron et Le Théron en Lozère) ferment le 13 octobre 2002. L’État exigeait alors des investissements trop lourds pour leur mise au normes.

Jusqu’à leur renaissance

Aujourd’hui, la population locale prend conscience de cette forte identité de l’Aubrac et de ses burons. Ainsi, certains ont réhabilité des burons en buron restaurant : les locaux et les visiteurs peuvent ainsi manger l’aligot dans un cadre naturel, préservé et authentique. D’ autres burons sont restés privés, et offrent aux propriétaires de belles fêtes de famille dans leurs burons ancestraux.

La chanson des burons : Lou Masuc

Amoun, Amoun dins la montanha
Al mièg de cada pastural
Dins l’èrba espessa e la ginçana
Trobaretz un trace d’ostal

Lo cantalès, lo vedelier,
Amb lo pastre,
I possan de cranes aücs
Aiqui l’avetz nostre masuc

Quand dintraretz dins la cosina,
I veretz coma mobilièr,
Al prèp d’une taula pauc fina,
Los badinhons e los colièrs

E al darrièr dins lo terrièr
La bona cava,
Dins la frescor e dins l’escur,
Garda la forma del masuc,

E tot amont jost la tiulada,
Al res del fen dels vedelons
Cadun plegat dins la fleçada,
Los omes barran los uèlhons

Se dins la nuèch bufa en gisclent,
La cantalesa
Darrèr lo pargue rescondut,
S’enduèrm lo tropel del masuc

E lo matin plan revilhats,
Dins l’aubièra e los pes nuds
Amb la gèrla e lo farrat
S’en van los omes del masuc,

Quand los vedeles an fach un brigal,
Una tetada,
Cada tetina sul farrat ,
Es una brava font de lach,

Quand a la fin d’un despartit,
Tastaretz la forma d’Aubrac
Pensaretz que ser e matin,
Los cantaleses an trimat

Per vos donar coma dessert
Lo bon formatge,
E lor diretz din un aüc :
“Viva los omes del masuc” !

Viva totes los cantaleses !
Que fan la forma e l’oncalat
Viva los pastres de la devesas,
Al mièg de lor tropel daurat

Viva los rols, lo vedeliers,
De la montanha
E que tojorn sus cada truc,
Demoran dreches los masucs

Là-haut, là-haut, dans la montagne
Au milieu de chaque pâturages
Dans l’herbe épaisse et la gentiane
Vous trouverez une petite maison

Le canatlès, le bédélier,
avec le pâtre,
y poussent de retentissants “ahucs”
C’est bien là notre masuc

Quand vous entrerez dans la cuisine
Vous verrez comme mobilier
Autour d’une table fort rustique
Des baquets et des harnais

Et sur l’arrière, enterrée
La bonne cave
Dans la fraîcheur et dans l’obscur
Garde la fourme du mazuc

Et tout la haut sous la toiture
A côté du foin pour les petits veaux
Chacun plié dans sa couverture
Les hommes ferment leurs petits yeux

Quand dans la nuit souffle en glapissant
Le vent (venu) du Cantal
derrière le parc bien caché
S’endort le troupeau du mazuc

Et le matin bien réveillés
Dans la rosée et les pieds nus
avec la gerle et le seau ferré
S’en vont les hommes du mazuc

Quand les veaux ont fait un brin
de tétée,
Chaque tétine sur le seau
Donne une belle fontaine de lait

Quand à la fin d’un repas,
Vous goûterez la fourme d’Aubrac
Vous penserez que matin et soir
Les buronniers ont trimé

Pour vous donner comme dessert
Le bon fromage
Et vous crierez dans un ahuc
Vive les hommes du mazuc !

Vive tous les buronniers !
Qui font la fourme et l’encalat
Vive les pâtres des devèzes
Au milieu de leur troupeau doré

Vive les rouls, les bédéliers,
De la montagne
Et que toujours sur chaque truc
Demeurent debout les masucs.

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